Après PPDA, Marine Le Pen est-elle une plagiaire ?

Publié le par CPPN

 

 

Récemment, Patrick Poivre d’Arvor a été accusé d’avoir plagié largement une biographie d’Hemingway de Peter Griffin dans celle qu’il vient d’écrire… euh… qu’il vient de signer.

 

PPDA rejoint donc la longue liste des figures ultramédiatisées condamnées ou fortement suspectées de plagiat comme Alain Minc, Christine Ockrent, Jacques Attali ou Thierry Ardisson. Empêtré, comme d’autres avant lui, dans une affaire mettant à mal son aura auprès des rares personnes qui croiraient encore à son honnêteté intellectuelle après l’affaire Botton ou la fausse interview de Fidel Castro, l’ex présentateur vedette, se défend à grand coups de tribunes et de sketchs simulant des interviews dans lesquels il est l’auguste et les faux intervieweurs les clowns blancs. 

 

Pourtant, il me semble que l’actualité récente a mis en lumière une autre affaire de plagiat qui, si elle a été largement médiatisée, ne l’a pas été sous l’angle du pillage de la propriété intellectuelle. Affaire dont Marine Le Pen est la principale protagoniste mais, je vous arrête tout de suite, n’a rien à voir avec la copie des affiches de l’extrême droite suisse sur les minarets.

 

Depuis peu, Marine Le Pen s’est illustrée par une série de discours dans lesquels il était question de laïcité. Tout a commencé par une sortie de cette dernière, le 11 décembre 2010, dans laquelle elle déclarait : « Il y a quinze ans on a eu le voile, il y avait de plus en plus de voiles. Puis il y a eu la burqa, il y a eu de plus en plus de burqa. Et puis il y a eu des prières sur la voie publique (…) Maintenant il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire. C’est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s’applique, c’est une occupation. Certes y a pas de blindés, y a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants ». La presse, majoritairement, y vit d’abord le retour de la tradition familiale lepéniste des références à la Seconde Guerre mondiale et condamna largement cette déclaration, rarement sur le fond mais essentiellement suivant le principe d’autovalorisation éditoriale coutumier : Le FN est abominable, je le critique, je suis donc formidable.

Mais, dans un second temps, une fois l’autopromotion terminée, les éditorialistes se souvinrent que Marine Le Pen fustigeait une soi-disant application de la « loi religieuse » dans « certains quartiers » et en conclurent que le débat sur la laïcité « était relancé » pour reprendre cette expression qui fait tant de bien à ma tension nerveuse et à l’émail de mes dents. Ce fut notamment le cas de Nicolas Poincaré qui, le 15 décembre, lança ses cinq minutes de bavardage quotidien avec des éditorialistes sur France-Info par cette question : « Et si la laïcité revenait dans la campagne après les propos de Marine Le Pen concernant les prières des musulmans en pleine rue ? ». Depuis, la question de la conversion ou de l’instrumentalisation lepéniste de la « laïcité » n’a pas vraiment disparu, régulièrement alimentée par les discours de Marine Le Pen.

Les partis politiques réagirent bien vite sur le sujet. Au PS, c’est Benoît Hamon, porte parole du parti et dernier avatar du quadra-qui-veut-que-le-PS-retrouve-son-ancrage-à-gauche (figure qui prête à rire quand on se souvient qu’avant lui Julien Dray, Arnaud Montebourg et même Manuel Valls endossèrent le rôle) qui se chargea de la riposte. Le 15 décembre, se souvenant que Laurent Fabius avait, par le passé, pointé les lacunes de l’élève FN en bonnes réponses mais loué ses capacités à poser de bonnes questions, Hamon condamna, dans le même temps, la déclaration de Marine Le Pen et les prières de rue, au nom de ses « convictions laïques ». Car, en effet, il est probable que le Mahométan prie sur le trottoir en hivers par manque de conviction laïque et non par manque de places dans les lieux de culte.

A droite, c’est Alain Juppé qui, le 6 janvier, réagit au débat « relancé » en assurant qu’il « ferait tout » pour que la laïcité soit « une des valeurs clés de la campagne pour la présidentielle de 2012 ». Le 19 janvier, Jean-François Copé répondit à cet appel et déclara que les trois thèmes de la campagne électorale de l’UMP en 2012 seraient : 1) la «compétitivité de la France», 2) «la justice sociale» (on ne rit pas !) et 3) la taxation des revenus du capital et le réinvestissement massif de l’Etat dans les services publics (éducation, santé, logement)….

 

Non, je déconne.

 

Et, donc, 3) «l’exercice des cultes religieux dans la République laïque avec un point particulier sur l’exercice du culte musulman».

Marc-Philippe Daubresse, caution « centriste » de l’UMP, rosit d’excitation à l’énoncé de ce troisième point, assura qu’il s’agissait d’une belle façon de contrer le FN et qu’il fallait aborder ce point « sans tabous ni interdits », expression qui annonce généralement un festival de pensées progressistes.

Pendant ce temps, Marine Le Pen continuait d’affiner ses déclarations sur la laïcité. Le 28 janvier, sur la Chaine Parlementaire, elle déclarait : «Je pense que la France peut être laïque parce qu'elle est chrétienne de culture, et on s'aperçoit d'ailleurs que les pays musulmans ont les plus grandes difficultés à être laïcs» mais également «Les pays musulmans qui sont laïcs l'ont été en général par la force» ou encore «La France est la France. Elle a des racines chrétiennes, c'est ainsi, c'est ce qui fait aussi son identité. Elle est laïque, et nous tenons à cette identité et nous ne permettrons pas que cette identité soit modifiée».

Ces déclarations ont suscité les récriminations d’usage mais personne n’a pointé le plagiat éhonté que constituent ces propos. En effet, ces arguments sont purement et simplement piqués à d’autres hommes politiques ou éditorialistes. Le problème, c’est que je n’ai pas réussi à retrouver qui était l’auteur originel de ces phrases recopiées ou pastichées parce que le coup du musulman qui ne comprend rien à la laïcité et qu’il faut combattre au nom de cette dernière, qui est elle-même l’héritière de la tradition chrétienne ou occidentale, fait visiblement l’objet de tant de plagiats que je n’ai pas encore réussi à retrouver l’auteur pouvant se vanter de la primauté du propos.

J’ai pensé un moment que l’auteur premier pouvait être Nicolas Sarkozy puisque celui-ci a déclaré à Caen le 9 mars 2007 : « Celui qui arrive et qui aime la France devient l'héritier de tout son passé », des « 2.000 ans de christianisme », mais aussi de « la morale laïque qui incorpore 2.000 ans de valeurs chrétiennes ».

On aurait pu penser que Sarkozy s’était également fait piquer son idée par Philippe de Villiers puisque, le 30 mars, deux semaines après le discours de celui qui n’était encore que le candidat de l’UMP, le Fou du Puy déclara sur France Inter : « On ne peut pas accepter sur le territoire français des principes qui sont contraires à la laïcité, et tout le problème de l’islam, c’est que contrairement au judaïsme et au christianisme, il n’y a pas de séparation du temporel et du spirituel. Et que donc c’est une adaptation nécessaire qui est difficile pour chaque musulman ». Mais cette idée est également présente dans son livre « Les Mosquées de Roissy » sorti en 2006. Alors, c’est de Villiers qui a l’antériorité ?

Le 25 février 2004, peu après l’adoption de la loi sur les signes religieux à l’école qui clôturait la saison 3 de « l’affaire du voile » (après la saison 1 de 1989 et la saison 2 de 1994 et avant la saison 4 de 2009 – dite « la burqa contre-attaque » -… les scénaristes se penchent actuellement sur l’écriture de la saison 5), Armand Laferrère, alors conseiller de Sarkozy au ministère de l’Intérieur et aujourd’hui directeur d’Areva au Canada, avait expliqué, dans une tribune publiée dans le très droitier Jerusalem Post (« France is right on the Islamic Veil »), le sens de la nouvelle loi aux électeurs du Likoud qui auraient raté un des épisodes précédents. Il y affirmait que, au nom de la laïcité, il était important de faire une loi pour que les musulmans comprennent quelles étaient les traditions françaises. Il ne fut pas désavoué par son ministre de tutelle. Alors, c’est lui ?

Pas nécessairement. En effet, la formulation diffère mais l’incapacité des musulmans à assimiler la laïcité, et l’arriération qui en résultait, était également présente dans le livre Tirs Croisés (p. 336), de Caroline Fourest et Fiammetta Venner, sorti en octobre 2003 : « Le manque de développement de certains pays arabes et/ou musulmans est à mettre en relation avec leur incapacité au sécularisme. Ces deux phénomènes s’auto-entretiennent. ».

Mais à bien rechercher, cette incapacité supposée des musulmans à comprendre et accepter la laïcité se retrouvait également dans les pétitions de la saison 2 de l’affaire du voile en 1994. Et peut-être même avant, je manque d’archives sur le sujet. Sans compter l’ensemble des remarques analogues qu’on a pu trouver chez des Pasqua, Finkielkraut, Max Gallo ou Chevènement. J'en oublie.

Bref, Marine Le Pen plagie (tardivement) son discours sur la laïcité mais je ne sais pas sur qui. J’ai du mal à identifier celui ou celle qui, en premier, a décidé de tordre la définition de la laïcité pour en faire un synonyme de « tradition française » en opposition à « l’islam ». Je ne comprends pas pourquoi il, ou elle, ne fait pas valoir ses droits d’auteur. Par désintéressement sans doute.

Dans le numéro de Marianne du 15 janvier dernier, l’hebdomadaire consacrait un grand dossier à la bonne santé sondagière de Marine Le Pen et donnait la parole à des personnalités médiatiques chargées de nous en expliquer les raisons. Marek Halter y déclarait « L’intelligence de Marine Le Pen, c’est qu’elle pose de bonne questions. C’est elle qui, par exemple, défend la laïcité quand les intellectuels ont peur de le faire, de crainte de heurter les religions qui ont le vent en poupe. ». Pascal Bruckner allait dans le même sens : « Face à elle, il n’y a qu’un silence assourdissant de la droite et de la gauche qui n’osent plus rien dire, notamment sur les religions, et plus particulièrement sur la prière dans la rue. ».

Ca doit être ça.

On ne parle pas assez de la laïcité.

Heureusement que ces deux grands intellectuels sont là pour nous éclairer, on aurait pu penser que, en réalité, on nous en parlait tout le temps, mais n’importe comment.

 

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